Greenwashing : Quel est le cadre légal, et comment le repérer ?

Marianne Guericolas

|

Dans notre communauté de freelances engagé·es, nous avons régulièrement des questions et débats sur le sujet du greenwashing. Qu’est-ce que c’est concrètement ? Comment le repérer, l’éviter ? 

Dans un contexte de judiciarisation et de durcissement de la législation européenne sur l’utilisation des allégations environnementales, on a souhaité mieux comprendre ce sujet. Nous avons donc décidé d’organiser une masterclass dédiée à ce thème pour permettre aux participant·es de mieux comprendre le cadre réglementaire et les évolutions à venir avec l’aide d’exemples concrets d’actions judiciaires en France et en Europe.

C’est Clémentine Baldon, avocate au barreau de Paris, qui nous a fait le plaisir d’animer cette “Kapsule” pour le collectif Social Declik portant sur les pratiques de greenwashing, ou écoblanchiment en français, et le cadre législatif en place.

Portrait de Clémentine Baldon, avocate au barreau de Paris et fondatrice de Baldon Avocats

Clémentine Baldon, est spécialisée en droit européen et international, droit de la concurrence et de l’environnement. Elle est pionnière des actions en justice contre le greenwashing. Son cabinet accompagne des associations et entreprises dans la transition écologique.

L’échange a permis aux participants·es de mieux comprendre le cadre réglementaire et les évolutions à venir avec l’aide d’exemples concrets d’actions judiciaires en France et en Europe.

Vous n’avez pas pu y assister, retrouvez dans cet article les principaux points de sa présentation, à savoir :

  • Le cadre législatif et les moyens non contraignants
  • Les sanctions et les exemples d’actions en justice

Le durcissement du cadre législatif européen



La Directive sur les Pratiques Commerciales Déloyales à l’œuvre


Le greenwashing englobe toute pratique de communication trompant le consommateur sur les vertus écologiques d’un produit ou d’un service. Toute allégation environnementale fausse ou susceptible d’induire le consommateur en erreur constitue une pratique commerciale trompeuse. Les lois françaises et européennes interdisent ainsi le greenwashing au titre des pratiques commerciales trompeuses. En effet, en Europe, depuis 2005, la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs (DPCD) pose un cadre contraignant pour les entreprises et proscrit les pratiques commerciales trompeuses.

La DPCD pose les conditions pour qu’une allégation constitue une pratique commerciale trompeuse : Les allégations doivent être véridiques, présentées de manière claire, spécifique, exacte et étayée par des preuves rendues accessibles.

Le droit français prévoit des sanctions lourdes qui peuvent être administratives, civiles et pénales.

Le cadre législatif se durcit

Grâce à la révision de la DPCD en février 2024 , certaines allégations environnementales, comme les allégations “génériques”, seront interdites sauf si l’entreprise est en capacité de démontrer une excellente performance. 

La DPDC révisée proscrit également l’allégation  « neutre en carbone » pour les produits sur la base de compensation des émissions dans le sillage de la loi français Climat et Résilience de 2021 qui avait encadré ce terme.

La révision de la DPCD interdira également les labels environnementaux privés ne reposant pas sur une certification par un tiers indépendant. Ces modifications entreront en vigueur en droit français quand la directive sera transposée soit en septembre 2026, au plus tard.

Quant au projet  de directive européenne « Green Claims », cf le schéma ci-dessous, elle pourrait imposer un régime de vérification préalable des allégations environnementales et ne permettre que les labels autorisés par la Commission Européenne.

Frise sur l'accélération législative depuis 2020

En complément du cadre législatif, des moyens non contraignants

Les organes d’autorégulation

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité compte un observatoire de l’Influence Responsable et détermine, notamment, les recommandations en matière de publicité pour les enfants et de communication sur le développement durable. Quant au Jury de Déontologie Publicitaire, il traite des plaintes émises par les citoyens et publie des avis.

Ces règles déontologiques posées par des organes d’autorégulation offrent un cadre non contraignant mais permettent de statuer plus rapidement que la justice. Les décisions prises font l’objet de publications en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. 

Cela a un impact sur l’image de marque d’une entreprise et sa perception auprès des consommateurs·rices. Le recours à ces organes constitue un moyen de pression sur les entreprises et peut permettre une régulation de leurs actions sans entamer d’action en justice. 

Le droit souple

Le droit souple ou « soft law » est un ensemble de règles non obligatoires, mais dont les effets juridiques ne sont pas pour autant inexistants. Les tribunaux peuvent par exemple s’en saisir.

Les sanctions

Le non-respect du cadre législatif en matière de greenwahsing peut entraîner des poursuites civiles, impliquant des dommages et intérêts, ou pénales, avec amendes et peine d’emprisonnement à la clef.

Le Code de la Consommation prévoit :

  • Des sanctions pénales :
    • Amendes pouvant théoriquement aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires 
    • Jusqu’à 2 ans d’emprisonnement
  • Des poursuites civiles
  • Ces recours devant les juridictions civiles peuvent être lancés par des concurrents, des associations de consommateurs ou de défense de l’environnement.

La judiciarisation du greenwashing : les exemples d’actions en justice

Il existe encore peu de décisions de condamnation en France mais certaines ont été prononcées en Europe et les actions de judiciarisation ont tendance à se multiplier.

Ces actions peuvent constituer un moyen de pression sur les entreprises afin de les amener à faire évoluer leurs pratiques. Certaines entreprises coopèrent, d’autres agissent sous la contrainte d’une décision de justice sachant qu’il existe toujours un aléa judiciaire.

Voici des exemples d’actions en justice par typologie de secteurs d’activité :

Secteur des boissons

En 2023, l’association européenne de consommateurs BEUC – The European Consumer Organisation, a, quant à elle, coordonné, à l’échelle européenne, un dépôt de plainte par une quinzaine d’associations nationales de protection des consommateurs pour greenwashing à l’encontre des principaux producteurs de boissons conditionnées dans des bouteilles plastiques en Europe. La plainte vise notamment Coca-Cola, Nestlé Waters et Danone en pointant du doigt des allégations telles que « 100% recyclé » et « 100% recyclable » ainsi que l’utilisation d’une iconographie verte. Si vous voulez en savoir davantage, vous pouvez consulter le communiqué de presse de BEUC.

Le secteur de l’aviation

En mars 2024, le tribunal d’Amsterdam épingle la compagnie aérienne KLM pour publicité trompeuse. En 2019, la compagnie aérienne avait lancé une campagne baptisée « Fly responsibly » laissant entendre que l’impact de ses vols était compensé. Le tribunal a jugé ces allégations trompeuses.

Toujours en 2024, l’association BEUC coordonne, à l’échelle européenne, une plainte auprès de la Commission européenne et des autorités de l’UE chargées de la protection des consommateurs, à l’encontre de 20 compagnies aériennes, parmi elles : Air France, Ryanair, Brussels Airlines, KLM, Lufthansa, Vueling et Wizz Air. Il leur est reproché un ensemble d’allégations environnementales jugées trompeuses, notamment en matière de “compensation” des vols. La Commission a ouvert une enquête et demandé aux compagnies aériennes visées de lui fournir des informations (voir ici).

Le secteur des énergies fossiles

En 2020, alors qu’Eni commercialisait un « diesel vert », l’autorité de la concurrence italienne avait accusé l’entreprise d’avoir créé « une confusion auprès de ses clients entre le carburant Eni Diesel+ et son composant biodiesel (HVO) appelé par le groupe +Green Diesel+, attribuant à l’ensemble des avantages environnementaux non fondés ». L’Autorité de la concurrence avait infligé une amende de 5 millions d’euros à Eni. Rebondissement en 2024, le Conseil d’Etat italien annule la décision de l’Autorité de la concurrence !

Les associations Greenpeace, Notre affaire à tous, Les Amis de la Terre France et ClientEarth ont assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Paris pour pratiques commerciales trompeuses. En 2021, Total devenu TotalEnergies lance une campagne publicitaire mettant en avant son ambition de « neutralité carbone d’ici 2050 » et son rôle dans la transition. Les associations soutiennent que ces allégations ne sont pas cohérentes avec la stratégie de TotalEnergies de développer ses activités de production d’énergie fossile notamment.

En 2024, en Espagne, l’électricien Iberdrola attaque le pétrolier Repsol pour concurrence déloyale. Iberdrola reproche à Repsol de verdir son image à outrance et donc de faire usage d’allégations trompeuses. L’affaire est en cours.

Le secteur de la fast fashion

Aux Pays-Bas, en 2022, l’Autorité de la consommation et des marchés a accusé H&M et Décathlon de ne pas prouver le caractère écoresponsable vanté de certains produits mis en avant. Au cours de l’enquête, les deux enseignes s’étaient engagées à adapter leurs méthodes de travail et d’informer plus efficacement les clients. 

En septembre 2024, l’Autorité de la concurrence italienne a annoncé ouvrir une enquête sur Infinite Style Services Co., une société basée à Dublin qui gère le site web du détaillant de fast fashion Shein. « Elle alerte sur le caractère trompeur de certaines déclarations environnementales sur le site du géant chinois […] » Source Usine-Digitale.fr

Le secteur bancaire

Aux Etats-Unis, le gendarme des marchés, la Security Exchange Commission (SEC), a infligé 19 millions de dollars d’amende à DWS, une filiale de Deutsche Bank pour sa communication trompeuse sur sa politique en matière d’ESG entre 2018 et 2021.

Repérer et éviter le greenwashing : les clés pour une communication éthique

Le greenwashing, ou écoblanchiment, consiste à véhiculer une image faussement écologique pour séduire les consommateurs. En tant que freelance engagé, il est essentiel de pouvoir identifier ces pratiques.

Soyez attentif aux signes révélateurs :

  • Des promesses exagérées ou irréalistes,
  • L’absence de preuves ou de précisions sur les engagements annoncés,
  • Ou encore des visuels ou slogans qui évoquent abusivement la nature.

Une autre stratégie courante consiste à mettre en avant des actions secondaires qui détournent l’attention des impacts réels de l’activité principale. Par exemple, une entreprise mettant en avant un produit écoresponsable, alors que l’ensemble de son modèle reste loin d’être durable.

Pour une communication responsable et crédible, misez sur des messages factuels, clairs et appuyés par des preuves accessibles. Évitez toute exagération dans vos allégations et privilégiez la transparence : fournissez des données chiffrées et des certifications reconnues.

En tant que professionnel, formez-vous et sensibilisez vos partenaires aux mécanismes du greenwashing afin d’anticiper et d’éviter ces écueils.

Une communication éthique, c’est non seulement une responsabilité, mais aussi un levier pour instaurer une confiance durable avec vos clients et votre audience.

Si toi aussi, tu as envie de rejoindre une communauté de freelances engagé·es qui décryptent les pratiques éthiques des entreprises et s’entraident pour accélérer son activité en collaborant avec des structures sincèrement engagées, postule ici

Ça peut aussi t'intéresser

Freelance For Good, Impact positif

Freelance engagé·e : Tendances et conseils pour réussir dans l’impact en 2025

Pour la dernière Masterclass de l’année à destination des membres de la communauté Social Declik, on a souhaité ... Lire plus

Impact positif

Entreprises à impact positif : 7 conseils pour travailler avec des expert·es de la communication et du marketing pour accélérer son impact

Dans un monde où l’économie à impact prend une place de plus en plus importante, il est crucial ... Lire plus

Impact positif

Structures à impact positif : Comment collaborer efficacement avec des freelances pour accélérer vos projets tech

Le digital est un levier essentiel pour les organisations qui souhaitent avoir un impact positif. Mais comment trouver et collaborer avec un·e freelance Tech pour se faire accompagner ? quelles sont les bonnes pratiques ?

Laisser un commentaire