Appliquer le prix libre quand on est freelance, utopie ou possibilité ?

Charlotte

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Quand on se lance dans le freelancing, on passe forcément par un exercice inconfortable et compliqué : Fixer son TJM (Taux Journalier Moyen).

Cela soulève des questions, comme celle de sa valeur :

Combien je vaux par rapport aux autres freelances positionné·es sur mon domaine avec le même niveau d’expérience ?

Forcément dis-je ?

Et ben non.
Il est possible d’envisager la valeur de son activité différemment. Et notamment en laissant décider le client de ton Prix.

Ça te paraît fou ? Et ben non, c’est possible !
Aujourd’hui, ce n’est pas commun de trouver des freelances qui pratiquent le prix libre mais c’est pourtant une autre façon d’aborder l’argent, les revenus et la valeur.

Nous sommes parties à la rencontre de Maxime Barluet de Beauchesne, freelance en facilitation sur les Valeurs et la Raison d’Être d’entreprises. Il pratique le prix libre depuis 6 ans et nous a partagé ses motivations, son fonctionnement et quelques ressources pour les optimistes et courageux qui voudraient se lancer.

Etiquette en bois, type étiquette de prix, sans prix.

Pourquoi décide-t-on de pratiquer le prix libre ? 

Je pense que chaque cheminement vers le prix libre est différent. Pour moi, la réflexion sur la valeur et le prix a été nourrie par différentes choses. Avant tout c’est important de dire que je me permets de continuer à le faire parce que je peux en vivre. 

Pour revenir, sur mes motivations, l’idée principale est que je considère mon travail comme mon principal espace d’engagement pour participer à la construction d’un futur plus désirable. 

Cela a même été renforcé quand je suis devenu papa et que j’ai réalisé que mon fils sera plus jeune en 2050 que moi en 2022, ce qui me donne des éléments très concrets pour me projeter dans le futur. 

J’aime dire que le bénévolat est souvent une activité qui ressemble au travail, sauf qu’on y trouve suffisamment de sens et de motivation pour estimer qu’on n’a pas besoin de percevoir un salaire en échange. Avec le prix libre, je floute un peu cette distinction. 

En bref, aujourd’hui je le pratique pour rendre mes accompagnements accessibles aux plus grands nombres (notamment pour des projets engagés pour qui je ne veux pas que le budget soit un frein) et cela me permet d’incarner une réflexion sur le sens et la valeur de l’argent et l’envie d’ouvrir les possibles et questionner nos manières « traditionnelles » de faire business, de construire la confiance et/ou la manière de mesurer la valeur des choses. 

Pour autant, en toute transparence, j’ai compris à postériori que j’ai proposé le prix libre au moment de me lancer en tant que freelance par un manque de confiance en moi. C’était une manière de me dire “on ne pourra pas me dire que ça ne les valait pas, ce sont eux qui ont choisi le montant”. Je me suis aussi rendu compte que ça m’a permis de travailler sur mon rapport à l’argent, car je craignais de m’éloigner de mes valeurs et de mes idéaux. 

J’avais l’impression que si je gagnais “trop”, j’allais devenir “con”, car j’avais peu de modèles inspirants de personnes riches et engagées, qui soient réellement connectés au reste de la société et connectés aux problématiques de notre époque.

Quels sont pour toi les bénéfices du prix libre pour celui qui le pratique ? 

En fait, j’aime rappeler que l’argent est une invention humaine bien pratique, mais que ça reste une convention sociale et qu’aujourd’hui le fait d’en manquer empêche de se loger, de se nourrir ou de financer une transition écologique pertinente. 

Notre société est ainsi faite que l’échange monétaire est une modalité nécessaire pour que je puisse vivre de mon activité et la continuer, mais le fait d’être payé nourrit peu d’autres besoins de mon côté. 

Mon besoin de reconnaissance est comblé par les retours des participants, par l’énergie que je ressens lors des ateliers et séminaires, par le plaisir que j’ai à faire ce travail ou encore le fait que ça fonctionne uniquement par le bouche à oreille depuis le début. 

Mon besoin de sécurité est nourri par le fait que je vis de mon activité depuis bientôt 6 ans et que j’observe que si je m’attache à bien faire mon travail, j’ai ce qu’il me faut pour vivre à la fin du mois. 

Dans l’idéal, l’utopiste que je suis, rêverais d’un revenu universel pour enlever la question de l’argent de l’équation. 

En attendant, comme mon fonctionnement implique que les entreprises déterminent le montant à la fin de ma prestation, je crois que le bénéfice principal est de me créer un contexte un peu radical ou l’argent ne peut pas être un élément de motivation que je considère au moment de choisir ou non de faire une mission. 

Au contraire, j’aime que le plus important dans le choix de mes missions soit d’être moi-même convaincu qu’elle va contribuer à un futur que je juge désirable. Ensuite, un peu comme un artiste de rue, je m’attache à bien faire mon travail en partant du principe que normalement, ça devrait payer. 

Par ailleurs, il y a une question d’équité. Puisqu’en français, le coût parle soit d’un montant d’argent, soit de l’effort que cela demande, j’aime pointer que 10€ ne coûtent pas le même effort si nous faisons partie du quart de la population française qui gagne moins de 1500€ mensuel ou de celui qui gagne plus de 2500€ mensuel. 

Ainsi, je ne veux pas que l’argent soit un frein (notamment pour les projets les plus engagés) et je souhaite que chaque projet puisse déterminer le coût qui leur semble juste sans les mettre en difficulté. 

Enfin je considère que nous vivons une époque dans laquelle il est important d’interroger le rôle des entreprises dans notre société et nos pratiques dans le monde du “business” et donc je suis heureux que le prix libre ouvre des questionnements (Quel critère pour définir un prix ? Comment instaurer la confiance sans contrat ?) et propose un autre narratif. Je sais que cela crée parfois des zones d’inconforts que j’essaye d’accompagner, mais quand c’est parce que cela dé-range les habitudes et invite à se poser des questions nouvelles, je trouve cela intéressant.. 

Concrètement, comment ça se passe avec tes clients ? 

Avant la prestation, je partage toujours une estimation d’un temps estimé. 

À l’issue de la prestation, en général une semaine après la fin, je partage plusieurs informations : 

  • Le temps que j’ai réellement passé 
  • Une liste de questions pour aider à fixer un prix juste 
  • Les frais associés à la mission 

Le client fixe le prix, j’y ajoute les frais et je lui édite ensuite une facture correspondante, puis il paye. 

Ce qui est intéressant, c’est que ça implique de construire la confiance autrement que par le devis ou par toutes formes de contractualisation. C’est une prise de risque pour moi (probablement un peu pour le client aussi), mais j’aime énormément la qualité des relations que cela génère naturellement. 

Et le bilan, peut-on vivre d’une activité de freelance en appliquant le prix libre ? 

 Très concrètement oui, puisque c’est mon cas depuis bientôt 6 ans. 

Après, en comparaison à beaucoup de facilitateurs, notamment ceux qui travaillent avec des plus grosses organisations, je gagne peut-être moins. Pour autant, j’ai un enfant, je viens d’acheter une maison et à part quelques enjeux de trésorerie quand je gère mal mes factures, je gagne ce dont j’ai besoin.

Par contre, c’est important de préciser que j’ai conscience que pouvoir pratiquer le prix libre est une chance. C’est possible grâce à pleins de privilèges que j’ai, notamment celui d’exercer l’activité de facilitateur. Sociétalement, Il y a beaucoup de métiers sous-valorisés : comme ceux du domaine de l’agriculture, du soin ou de l’enseignement, alors que j’exerce une activité qui elle est bien valorisée.

Sinon, c’est vrai qu’il m’est arrivé de questionner le modèle Prix Libre, notamment à l’arrivée de mon enfant à un moment où mes besoins ont fortement augmenté. Mais finalement, le modèle tient et je n’ai pas envie d’en changer.

Au contraire, je considère que puisque j’ai le privilège de le faire, si moi je ne le fais pas, personne ne le fera.

Alors, toi lecteur, on te retourne la question, qu’est-ce qui t’intéresse et qu’est-ce qui te freine à l’idée de tester le prix libre ? 

Si ces questions te titillent, voici quelques ressources partagées par Maxime pour nourrir ta réflexion : 

Enfin, si tu veux rejoindre une communauté qui se pose des questions liées à l’impact de ses activités, rejoins-nous ici !

Pour info, Charlotte et Coline, cofondatrices de Social Declik ont également opté pour ce modèle de rémunération sur le partage des opportunités de missions dans le secteur de l’impact aux membres de la communauté Social Declik.

À chaque mise en relation réussie, le freelance nous verse une contribution volontaire (i.e, il choisit le % qu’il souhaite nous reverser).

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